Textes et articles sur Beaumarchais

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L'entrée en scène de la comtesse dans les Noces de Figaro
L'entree en scene de la comtesse dans le
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"Si quelqu’un s’oppose à ce mariage, qu’il parle..." Génèse des Noces
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Natasha Ehrndal, Femmes, révolution et effets comiques dans Le Mariage de Figaro de Beaumarchais
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Jean-Paul Sermain, La conscience du temps dans Le Mariage de Figaro
La conscience du temps dans Le Mariage d
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Dominique Mathieu, Dramaturgie des objets dans l'œuvre théâtrale de Beaumarchais
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Textes et articles sur Horváth

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Notes sur Horváth
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Textes théoriques d'Horváth

TEXTES THÉORIQUES D’Ödön von Horváth

http://www.memoire.celestins-lyon.org/var/ezwebin_site/storage/original/application/762725c625f16f58ad8eee39ab8d0383.pdf

Dossier pédagogique pour Casimir et Caroline, mes Richard Brunel

 

La vie, c’est du toc

Mon intention est donc de montrer la vie (de lui donner une forme théâtrale) et la vie, c’est du toc. (Par conséquent, toute mise en forme est comme une image renvoyée par un miroir, ce qui est à droite se trouve à gauche, et vice-versa).

Et vous-mêmes, braves gens, vous l’êtes aussi, toc. La vie, c’est du toc, et pas seulement son langage et ses expressions, mais même les sentiments humains sont « toc ». C’est-à-dire qu’ils sont édulcorés et falsifiés. Par goût du confort. Il est naturellement inconfortable pour un auteur de combattre cet état des choses. Le toc produit cependant toujours un effet comique, à partir du moment où il devient apparent. Le choc entre le toc, c’est-à-dire la vie édulcorée et falsifiée, et l’inexorabilité de la vie est tragique. Et c’est là peut-être la raison pour laquelle on me considère comme un satiriste et un parodiste.

Mais la raison principale pourrait bien être la suivante : le public se reconnaît sur la scène et s’écrie : « Je serais donc ainsi ? Impossible ! C’est de la satire, de la parodie ! ». Pour moi, le comique est quelque chose de tragique. J’écris des tragédies qui ne sont comiques qu’à cause de leur humanité.

 

Ödön von Horvàth. 1935 Traduction Henri Christophe

 

 

Mode d’emploi (au public)

Jusqu’ici je me suis toujours refusé à écrire un commentaire sur mes pièces. Je pensais que les pièces parleraient pour elles-mêmes. Il m’est hélas arrivé de voir le public se méprendre totalement, en bien ou en mal, ce qui m’amène donc à prendre la parole.
Ici, à Berlin, on a joué quatre de mes pièces. Les deux premières étaient des essais au plan contenu, les deux autres au plan formel. J’apporte, comme on dit, du « nouveau ». Par conséquent, la responsabilité d’être mal compris m’incombe pour une grande part. Je veux donc commenter mon écriture.

Il est totalement faux de penser que je veux faire de la satire. Cela ne me viendrait pas à l’esprit. Je veux montrer les gens tels qu’ils sont, c’est-à-dire, comme je les vois. Je ne les vois pas de manière satirique. Je ne suis pas non plus un auteur comique. (Il se peut que mes pièces doivent toujours être jouées par des comiques, sinon elles seraient trop « crues ».) Pour moi, le comique est tragique. J’écris des tragédies qui ne sont comiques que grâce à leur « humanité ».

Je m’insurge contre le qualificatif de « kitsch ». Je ne le comprends pas. La vie est tellement « kitsch » ! On est contre le « kitsch ». On veut cultiver son goût. Alors que tout être humain commet chaque jour en moyenne dix saloperies, du moins en pensée.
Je m’insurge contre le reproche superficiel et présomptueux de ne pas prendre parti.

L’art est une soupape pour l’imagination. Les mauvaises qualités. Les pulsions asociales. Les artistes sont toujours du côté de l’assassin. Je vais vous dire mon secret : je ne suis pas du côté de l’assassin, absolument pas ! C’est pourquoi je suis, jusqu’à l’écœurement, dur, dérangeant...

Aujourd’hui je peux dire ceci :

1. La majorité du public confond ironie et satire, satire et parodie.

2. La synthèse entre ironie et réalisme que je cherche à atteindre est considérée comme du cynisme. Ou comme volontairement comique (le jugement le plus stupide).

3. Les représentations n’ont jamais perdu avec justesse le style de mes pièces (exception faite de quelques scènes).
Avant de présenter la liste des interdits à respecter en cas de représentation de mes pièces, je voudrais préciser ceci l’unique sujet dramatique non seulement de
Casimir et Caroline, mais de toutes mes pièces à ce jour, et pour autant que je me connaisse, de toutes celles à venir, est la lutte de la conscience sociale contre les pulsions asociales, et inversement. L’action dite dramatique est secondaire, elle fournit seulement le cadre.

Chacun peut se rendre compte en lisant mes pièces qu’il n’y existe pas une seule scène qui ne serait dramatique. J’entends toujours par dramatique l’affrontement de deux tempéraments, la métamorphose, etc. Dans chaque scène dialoguée, un personnage se métamorphose. Lisez, s’il vous plaît !

De tout cela il ressort que la parodie ne peut pas être mon objectif, bien qu’on me le reproche souvent. Mais sans fondement aucun ! Je hais la parodie. La satire, la caricature, oui, parfois ; dans mes pièces, les passages satiriques ou caricaturaux se comptent sur les doigts d’une seule main. Mon unique objectif est de démasquer la conscience.

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Non pas de démasquer un homme, une ville, ce serait bien trop facile Ni de démasquer la langue du sud de l’Allemagne, bien entendu... J’écris cette langue pour la seule raison que je ne sais pas en écrire une autre.
Démasquer, je le veux pour deux motifs : d’une part, j’y prends plaisir ; d’autre part, les gens vont au théâtre pour se distraire, s’élever, pour pouvoir pleurer peut-être, ou apprendre des choses. Le théâtre, massivement, mieux sans doute qu’aucune autre forme d’art, se charge d’imaginer pour le spectateur. C’est là une tâche pédagogique noble du théâtre qui ne mourra pas, car les gens continueront à vouloir apprendre. Et plus le collectivisme s’amplifie, plus l’imagination se développera. Bien sûr pas aussi longtemps que l’on se battra pour le collectivisme, mais après... Parfois je pense à l’époque que l’on désignera sous le terme de romantisme prolétarien. (Je suis convaincu qu’elle adviendra.)

En démasquant la conscience je réussis bien sûr à troubler les pulsions de meurtre. C’est pourquoi les gens trouvent mes pièces souvent abjectes et écœurantes, ne pouvant pas participer à ces méfaits. Ils sont confrontés à ces méfaits, ils en sont frappés, mais ils ne peuvent y participer. Il existe une seule loi pour moi, la vérité.

À présent je vais tenter de donner quelques indications principalement d’ordre pratique (valables pour toutes mes pièces, sauf Le Funiculaire) :

1. Le dialecte. Il ne faut dire aucun mot en dialecte. Chaque mot doit être prononcé dans la haute langue, à la manière toutefois de quelqu’un qui en général ne parle que dialecte et qui s’efforcerait ici de parler la haute langue. C’est très important ! Car chaque mot révèle ainsi, ne serait-ce que par ce moyen, la synthèse entre réalisme et ironie.

2. Dans l’ensemble de mes pièces, il n’y a aucun passage parodique. Vous voyez souvent, dans la vie, quelqu’un qui évolue sous forme de parodie de lui-même.., de cette façon-là, d’accord, mais pas autrement !

3. Je ne remarque que très peu d’éléments satiriques dans mes pièces. Il ne faut pas non plus jouer les personnages en les caricaturant, sauf peut-être les comparses qui sont à considérer comme éléments du décor, pour ainsi dire. Le décor, autant que possible, pas caricatural non plus, s’il vous plaît. Le plus simplement possible, s’il vous plaît, devant un rideau avec un paysage vraiment naïf, mais avec de belles couleurs, s’il vous plaît.

4. Il faut bien entendu jouer ces pièces de manière stylisée, le naturalisme et le réalisme les tuent. Ils en feraient des tableaux de genre, et non pas des tableaux qui montrent la lutte du conscient avec le subconscient. C’est cette lutte qui en ferait les frais. Respectez scrupuleusement les temps marqués dans les dialogues, c’est là que le conscient ou le subconscient sont en lutte, et c’est cela qu’il s’agit de rendre visible.

5. Il existe des exceptions dans ces dialogues dits de cette façon stylisée quelques phrases, parfois une réplique seulement, qu’il faut subitement dire de façon tout à fait réaliste, naturaliste.

6. Toutes mes pièces sont des tragédies... Elles ne deviennent comiques que parce qu’elles sont étrangement inquiétantes. Il faut faire exister cette inquiétante étrangeté.

7. Il faut faire ressortir chaque dialogue... Le jeu muet des autres personnages est strictement interdit. Regardez les groupes de chant folklorique. Il faut jouer de manière stylisée afin de souligner la valeur essentiellement générale de ces personnages ; il faut souligner cela jusqu’à l’extrême, sinon personne ne s’en aperçoit. Les passages des dialogues ou monologues à jouer de façon réaliste sont ceux où soudain un être devient visible, où il est tout à coup là, sans mensonge... naturellement, ces moments sont très rares.

8. A l’intérieur de ce jeu stylisé, il existe bien sûr des degrés différents, allant du peu stylisé à la caricature.

Ce style de jeu est le résultat de travaux et d’expériences pratiques, et non un postulat théorique. Il ne revendique pas de valeur générale et ne s’applique qu’à mes propres pièces.

1935 Texte français Henri Christophe Extrait de Ödön von Horváth, repères (1901-1938), par Heinz Schwarzinger, Editions Actes Sud-Papiers, Paris, 1992

(Le texte français synthétise plusieurs ébauches et variantes d’Ödön Von Horváth sur le

Mode d’emploi.)

 

 

 

 

 

 

 

 

Entretien, 1932 (Fragment) – Ödön Von Horváth – Willi Cronauer

L’entretien qui suit, réalisé à l’occasion de l’attribution du prix Kleist par Willi Cronauer, auteur lui- même et camarade de classe d’Ödön von Horváth fut diffusé le 6 avril 1932 à la Radio Bavaroise. C’est Carl Zuckmayer, auteur célèbre de l’époque, qui proposa Horváth en 1931 pour le prix Kleist, la plus haute distinction littéraire de la République de Weimar, reçu entre autres par Bertolt Brecht en 1922 et Anna Seghers en 1928.

[...]

CRONAUER. C’est votre première pièce, Le Funiculaire, traitant sur le mode dramatique d’un incident pendant la construction du funiculaire sur la Zugspitze, qui vous a fait connaître ?

HORVÁTH. Oui. Le sujet de la pièce est la lutte entre le capital et la force ouvrière. Entre ces deux camps, un ingénieur qui occupe la position de ce que d’ordinaire on appelle l’intelligence dans le processus de production.

CRONAUER. De même que toutes vos pièces ultérieures, vous qualifiez Le Funiculaire de pièce populaire. Pour nous, aujourd’hui, la «pièce populaire» a pour ainsi dire disparu. Il sera d’autant plus passionnant d’apprendre de vous ce qui vous a inspiré ce terme, vous que d’éminents critiques ont appelé le rénovateur du théâtre populaire.

HORVÁTH. Je n’utilise pas ce terme à la légère. Ce n’est pas simplement à cause d’accents venus des dialectes plus ou moins bavarois ou autrichiens dans mes pièces, mais parce que je rêvais d’une sorte de continuation de la vieille pièce populaire. Qui ne revêt plus, pour les jeunes d’aujourd’hui, qu’une valeur plus ou moins historique dans la mesure où, au cours des deux décennies écoulées, les acteurs de l’intrigue ont incroyablement changé. Vous m’opposerez peut-être que les éternels problèmes humains de la bonne vieille pièce populaire touchent encore les gens, même aujourd’hui. Certes ils les touchent, mais autrement. Il y a nombre de problèmes humains éternels qui ont fait pleurer nos grands- parents et qui nous font rire aujourd’hui, ou inversement. Si l’on veut continuer aujourd’hui le vieux théâtre populaire, on doit porter sur scène les gens d’aujourd’hui, puisés dans le peuple, particulièrement dans les couches larges, représentatives de notre époque. Pour le théâtre populaire d’aujourd’hui, il faut des personnages d’aujourd’hui. Ce constat a une importante conséquence si en tant qu’auteur, vous voulez aboutir à une œuvre authentique, vous devez tenir compte de la dissolution des dialectes dans le langage des couches plus cultivées. [...]

Si je veux décrire avec réalisme un être d’aujourd’hui, je dois le faire parler en conséquence. Par rapport à mes personnages, et c’est valable également pour chacune de mes intrigues, je n’adopte pas une attitude positive mais plutôt sceptique quant à leur faculté d’évoluer à cent pour cent comme êtres sociaux au lieu de seulement s’établir ; je crois le démontrer au mieux en livrant une synthèse de gravité et d’ironie. J’ai tiré les conséquences de cette réflexion très consciemment, j’ai détruit la vieille pièce populaire, au plan formel et éthique, et, chroniqueur dramatique, j’ai tenté de trouver la forme nouvelle du théâtre populaire.

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CRONAUER. Cette « forme nouvelle » du théâtre populaire faut-il la chercher dans le caractère épique particulièrement frappant de vos pièces ?

HORVÁTH. Oui. Cette forme nouvelle est plus descriptive que dramatique. Elle renoue formellement davantage avec la tradition des chanteurs et comiques populaires qu’avec les auteurs des pièces populaires d’antan.

CRONAUER. Pièces populaires. Qui pourtant révèlent un caractère fortement satirique. HORVÁTH. Oui, pour moi la satire est tout à fait positive. Je ne pourrais pas faire

autrement, même si je le voulais.

CRONAUER. Nous touchons là un point très délicat. Vous savez qu’à nous autres jeunes, on reproche sévèrement cette adhésion à la satire et à l’ironie, en la dénonçant comme un manque de compassion, d’admiration et de respect. Alors qu’il s’agit exactement du contraire. Dieu sait que nous ne péchons pas par je ne sais quelle arrogance, c’est pour nous une approche de la vie et du monde et une manière d’autocritique qui nous guide et nous fait avancer. Aujourd’hui, on ne nous reconnaît pas encore ce droit, on se méprend sur nos intentions de lutte, on conteste notre sincérité et on nous refuse la reconnaissance et l’appréciation si nécessaires à notre travail. On nous rend les choses doublement difficiles en nous isolant et en orientant le regard du grand public presque exclusivement vers les époques révolues. La forêt des anniversaires de naissance, d’événements et de mort cache l’arbre de la jeunesse qui tend vers de nouvelles formes, de nouveaux idéaux. Mais ne nous écartons pas de notre sujet, ça nous mènerait trop loin aussi...

HORVÁTH. Vous avez parfaitement raison, monsieur Cronauer. C’est ce qui explique à mes yeux l’agacement certain dont une partie de la presse fait montre à l’égard de mes pièces. Personnellement, j’ai du mal à comprendre. On me reproche d’être trop cru, trop dégoûtant, trop effrayant, trop cynique, et trop que sais-je encore — tout en ignorant que mon seul désir est de décrire le monde tel que, hélas, il est. Même si on le prétend, on aura du mal à prouver que le principe de bonté prédomine sur terre. L’aversion d’une partie du public repose sans doute sur le fait qu’elle se reconnaît dans les personnages sur scène. Il existe naturellement des gens qui sont incapables de rire d’eux-mêmes, et encore moins de leurs pulsions intimes plus ou moins conscientes.

CRONAUER. Je crois que cela tient au fait que la plupart des gens ne rient pas grâce à l’intelligence intime, et qu’ils sont donc incapables de comprendre. Ils préfèrent rire d’une plaisanterie stupide qui ne nécessite aucune réflexion et qui ne les concerne pas « personnellement ».

HORVÁTH. Exactement.
CRONAUER. J’aimerais savoir encore ce que vous pensez de la parodie.

HORVÁTH. En tant que forme dramatique, je refuse la parodie. Elle n’a rien à voir à mon sens avec l’art et n’est qu’un moyen de distraction bon marché.

CRONAUER. Venons-en à notre dada commun, monsieur Horváth, au théâtre. Nous n’aurons hélas pas le temps de parler de la forme nouvelle du théâtre en devenir, on nous en donnera peut-être l’occasion une autre fois, car je suis convaincu que vous aimeriez autant que moi en discuter, et qu’il y a fort à dire sur le sujet : le drame nouveau, le drame choral, l’acteur nouveau, l’orateur, la mise en scène et même la direction de théâtres nouvelles, le courage pour la lutte et la nouveauté, pour la formation d’un public et de la critique.

Enthousiastes et persuadés de la portée et de la mission culturelle du théâtre, nous croyons tous deux sans doute en la pérennité du théâtre. Et qu’il évoluera de l’intérieur et surmontera toutes les difficultés extérieures.

HORVÁTH. Bien sûr. Même si aujourd’hui on ne cesse d’évoquer, et très sérieusement, sa disparition. Il est vrai que le théâtre, au plan économique, est très mal en point. Qui ne l’est pas, de nos jours ? Il est bien possible, certain même, que nombre de théâtres disparaîtront. Mais alors des théâtres de dilettantes naîtront...

CRONAUER.... qui, si vous permettez cette remarque, ne seront certainement pas moins valables sur le plan artistique, tout en travaillant de manière plus généreuse et moins affairiste.

HORVÁTH. C’est à supposer. Le théâtre en tant que forme d’art ne peut pas disparaître, pour la simple raison que les gens en ont besoin. Pour moi, c’est là un fait établi, qui va de soi. Le théâtre imagine pour le spectateur, et lui fait vivre les produits de cette imagination. Vous vous êtes aperçu peut-être que toutes les pièces ou presque comportent des éléments criminalistiques. Que l’écrasante majorité des héros dramatiques et jusqu’aux figurants se rendent coupables de crime, qu’ils ne sont donc pas de véritables honnêtes gens. C’est un fait curieux tout de même que des gens s’achètent une place de théâtre, se mettent sur leur trente et un, se parfument, pour écouter et regarder sur scène des choses plus ou moins malhonnêtes, un, deux meurtres, et quittent ensuite le théâtre dans un état d’élévation, éthiquement grandis. Que se passe-t-il donc à l’intérieur d’un spectateur ? Voilà, son antipathie apparente à l’égard des actions criminelles sur scène n’est pas une véritable rébellion, c’est en fait une participation aux actes, une complicité, d’où résulte la satisfaction de pulsions asociales. Le spectateur est en quelque sorte révolté par lui-même. Ce phénomène s’appelle édification.

CRONAUER. Reste à souhaiter que cette édification que le théâtre apporte, profite également aux plus larges couches de la population qui aujourd’hui ne fréquentent plus guère les théâtres.

HORVÁTH. Le relâchement de l’intérêt des couches larges de la population tient sans doute aussi à ce que nous n’avons plus de vrai, d’authentique théâtre populaire. Mais nous sommes sur le bon chemin. A mon avis du moins.

CRONAUER. Pour des raisons psychologiques, je ne parle par principe jamais des misères sociales et économiques de notre époque. Pourtant, ne croyez-vous pas non plus que grand nombre d’amateurs de théâtre, venant précisément des couches populaires, ne peuvent tout simplement pas aller au théâtre par manque d’argent ?

HORVÁTH. Les théâtres pâtissent évidemment de la crise économique, bien que la fréquentation massive des cinémas laisse par ailleurs rêveur... Mais cela tient aussi à autre chose, et j’aurais une petite proposition pratique à faire sur ce sujet : la suppression des vestiaires et des obligations mondaines au plan vestimentaire. Beaucoup de gens ne vont pas au théâtre parce qu’ils ne possèdent pas de beaux costumes. S’ils pouvaient garder leur manteau sur eux ou rester habillés comme pour le travail, les théâtres connaîtraient sans doute un plus grand taux de fréquentation. Ce qui compte, ce ne sont pas les belles garde- robes, mais les êtres et les têtes installés dans la salle.

Texte français Henri Christophe

Entretien inédit en français
Extrait de Ödön von Horváth, Gesammelte Werke, en 8 volumes, tome I,

Suhrkamp Verlag, Francfort, 1972

Horváth sous le regard des écrivains contemporains

Les pièces de Brecht proposent une simplicité et un ordre qui n’existent pas. Pour ma part, je préfère Ödön von Horváth et son désordre, et sa sentimentalité dépourvue de maniérismes. Les égarements de ses personnages me font peur : il pointe avec bien plus d’acuité la méchanceté, la détresse, le désarroi d’une certaine société. Et j’aime ses phrases folles, signes des sauts et des contradictions de la conscience. Il n’y a guère que chez Tchekhov ou Shakespeare que l’on en trouve de semblables.

Peter Handke

Je connais la pièce, je suis enthousiasmé par elle et je la tiens pour l’une des plus méchantes et l’une des plus poétiques du théâtre moderne.

Friedrich Dürrenmatt

Mais pour moi il n’est pas une phrase des pièces populaires de Horváth qui ne soit portée par la compréhension et donc par l’amour, car la véritable compréhension suppose l’amour que Horváth a dû éprouver pour ses personnages. (...)
Je dois ici souligner tout particulièrement que Horváth avait une conscience exceptionnelle de sa responsabilité face à ses personnages et face au théâtre. Le théâtre doit être politique, il faut qu’il en soit ainsi parce qu’il se joue devant les gens et qu’il montre les gens et c’est là un événement qui est en permanence politique. Sur ce point, le travail de Horváth est exemplaire : il ne dénonce pas ses personnages, il ne glorifie pas, il met en acte. Cette mise en pratique de la réalité a eu pour résultat la nouvelle pièce populaire, et dans son sillage le réalisme, lequel bien entendu n’est pas redevable au seul Horváth.

Néanmoins, je trouve toujours que la droiture et la compréhension de Horváth envers ses personnages nous montrent le chemin. Horváth a su prendre conscience que seule une réalité à laquelle on croit engendre la croyance à la réalité de ce qui se passe sur la scène. Ainsi s’accomplit le pas qui mène du théâtre psychologique et de représentation sociale, traité de manière contemporaine, au théâtre critique de la société.

À mes yeux, constitutive d’opinion, la voie qu’a suivie Horváth n’a été bien sûr qu’une voie parmi plusieurs autres possibles. Et si les pièces de Brecht sont, pour le moment du moins, condamnées à ne servir qu’à remplir les caisses de tous les théâtres, tout comme La Veuve joyeuse et avec autant d’effet politique que celle-ci, on a bien vu que le chemin parcouru par Horváth s’est révélé meilleur au moins pour aujourd’hui. Pour le moment, les pièces de Horváth sont plus politiques et fournissent de bien meilleures orientations pour la dramaturgie nouvelle que celles de Brecht.

Horváth a rendu plus aiguë la confiance naturaliste détaillée en l’authenticité de la réalité, et il l’a utilisée comme une arme contre des circonstances qu’il s’agissait de changer, par la confiance au caractère factuel de la réalité, qui n’a plus besoin de l’authenticité du détail, parce que la représentation reconnue comme nécessaire de la réalité n’a pas besoin de béquilles pour se déplacer.

On est condamné à l’invraisemblance et donc à l’inefficacité des déclarations quand le hasard se substitue aux nécessités de la construction. D’autre part, le caractère authentique de la réalité, et donc le fait, remplace la construction.

Franz Xaver Kroetz

Theater Heute, n° 12, 1971

Texte français Henri-Alexis Baatsch

Dans la classe

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Master class au lycée Baudelaire de Roubaix
Notes de Géraldine Serbourdin
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Journée Figaro - 12 mars Lille

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Quelques notes sur la journée
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